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Après les papillons...
25 janvier 2020

Saturday Morning Fever

Il est passé midi. Tu as attendu quasiment en vain que les lecteurs du samedi matin arrivent. Pas grand-monde à se mettre sous la dent. Bah, c'est l'hiver, il fait gris... A leur place, toi aussi, tu serais volontiers restée pelotonnée sous ta couette, hein ! 

Comme ça fait un moment que tu n'es plus venue, ta collègue-chef est sortie de son bureau pour t'expliquer vite et mal, en donnant tous les signes d'une exaspération profonde, les nouveautés quant à la façon d'introduire les heures supplémentaires prestées. Du coup, te voilà perplexe devant de fines bandelettes de papier déchiqueté dont tu te demandes ce que tu vas bien pouvoir faire... 

Ton collègue, lui, est en train de bavarder avec un couple sympa, à côté de la porte. Jusque là, tout va bien. 

Ah, les lecteurs commencent à arriver ! Il est presque midi et demi, l'heure de fermer boutique... Classique. 

Et là, ça y est ! Quelqu'un vient enfin vers le comptoir de prêt. Oublié sa carte, bouquins en retard, encore du classique... Comme si débarquer le plus tard possible allait lui garantir l'impunité !

Au moment où tu veux te servir du logiciel et de la douchette, catastrophe : le réseau, le logiciel, l'ordinateur, quelque chose a foiré ! Plus rien ne répond. Pas question de contacter le service informatique : ils sont de garde jusqu'à midi seulement ! Pendant le temps qu'il te faut pour constater ça, le troupeau a commencé à s'amasser, compact, devant toi.

Ils s'énervent. C'est qu'ils n'ont pas que ça à faire, eux ! Ils ont encore une vie, le weekend, eux ! Et ils commencent à t'en vouloir de le leur faire perdre, le précieux temps de LEUR fin de semaine... Et puis, il leur faut absolument tel bouquin pour le gamin, qui doit l'avoir lu pour lundi matin, il leur faut aller chercher des infos (infos ? ouaip !) sur Internet, ils... 

Le temps que tu te retournes, une dame s'est faufilée derrière le comptoir pour téléphoner à je ne sais qui, sans te demander ton avis ni ta permission. Au moment où tu t'apprêtes à lui demander de quel droit elle s'est installée là, elle t'enguirlande aigrement parce que "même le téléphone ne fonctionne pas, dans ce trou" ! Effectivement, tu te rends compte que les coups de fil et engueulades des collègues des autres lieux de prêt ne te tombent pas dessus en cascade, comme c'est le cas d'habitude quand quelque chose cafouille pendant un samedi matin. Ta collègue-chef est toujours retranchée dans son bureau à part. Tant mieux : tu sais que si elle te tombe dessus maintenant, ça va être pour te reprocher ce qui se passe. Ton collègue bavarde encore près de la porte, avec d'autres personnes. Tu ne sais plus quoi faire. Désespérément, tu cherches un bic et du papier, pour noter à la main les numéros d'inventaires de ce qui rentre et sort. Tu remettras ça "dans la boîte" lundi, si tout refonctionne à ce moment-là. Tu trouves bien des feuilles de brouillon. Pour le bic, par contre... Il doit y en avoir un sur le comptoir, mais il a disparu. Un de plus !  

Il est treize heures. Tu devrais être partie depuis un moment. Tu es noyée. Tu désespères. Où s'est envolé ce qui faisait le bonheur de ce travail, avant ? Comment vas-tu réussir à finir cette matinée sans susciter d'esclandre, de grincements de dents, de plainte au bourgmestre ou à l'échevin ? Comment vas-tu t'en tirer ? Tu commences à avoir furieusement envie de partir pleurer ailleurs, en les laissant tous se débrouiller sans toi... 

Et là, tu te réveilles ! Dans ton lit douillet, dans la chambre de la "bête" maison où tu vis depuis ta retraite anticipée. Et c'est de soulagement que tu pleures ! 
On ne guérit pas d'un burnout ! A la moindre fatigue, tout te retombe dessus, massif et grouillu d'émotions ingérables. Comme avant ! Autant le savoir... 

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