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Après les papillons...
11 décembre 2011

Le quatrième

On vous a certainement parlé des rois mages. Mais on ne vous a sûrement pas tout dit.
Tenez, je parie que vous pensez qu'ils étaient trois. Ben, non. C'est comme les mousquetaires : ils étaient quatre. On ne sait pas comment s'appelait le quatrième. L'un ou l'autre, qui en sait un peu, mais trop peu, parlera de Nicolas, de Noël, ou en Italie de Beffana, la fée... 

L'histoire que je vous raconte là, elle est dégringolée, de trisaïeule en arrière-petite-fille, dans le grand sablier du temps avant d'arriver jusqu'à moi. Comme il faut que la vérité soit connue, maintenant, plus de deux mille ans après, je vous la dis (ce jour, ce soir...). A vous de la transmettre après, à ceux qui auront le coeur assez pur et l'âme assez tendre pour la recevoir. 
D'abord, il y avait cette étoile ; vous savez, celle qui n'arrêtait pas de danser, de clignoter, d'insister pour inviter les rois comme les bergers à rendre visite à ce petit qui venait de naître et régnerait sur le monde. De partout, on la voyait... 
Même loin, très loin, dans ce lointain nord où tout l'hiver n'est que longs mois de grands froids et de nuit profonde. Oh oui, on la voyait bien dans toute cette nuit, l'étoile ! 
Il y avait, dans cette grande nuit du nord, un roi. Le roi d'un tout petit royaume. Et l'étoile, il l'avait bien vue. Il savait, il avait compris, qu'elle l'invitait, lui aussi, à aller rendre hommage à cet enfant qui venait de naître et qui régnerait un jour sur le monde. 
Comme c'est difficile, de quitter la douceur de sa maison, son coin de feu, l'amour de sa famille, comme ça, au milieu de l'hiver ; autant dire en pleine nuit... 
Mais ce roi était un homme brave autant qu'un brave homme. Alors, il a quitté son coin de feu, sa maison, son royaume et sa famille. Il a attelé ses meilleurs rennes à son plus grand traîneau. Et son traîneau, il l'a rempli à ras bords de tout ce que son petit royaume décelait de plus beau et de meilleur pour un petit enfant. Il a choisi ses rennes, parce que, si le traîneau à chiens va plus vite, les chiens se fatiguent plus vite aussi. Et puis, il faut prendre de la nourriture pour les chiens. Ca laisse moins de place pour les cadeaux dans le traîneau, hein... 
Et ces cadeaux, les plus beaux, il était allé les chercher dans le coins le plus reculés de son tout petit royaume. C'était vraiment ce qu'il pouvait trouver de mieux, ce qu'il avait choisi. 
Les peaux de rennes les plus douces et les plus belles. Les plus chaudes, aussi. C'est que ça prend froid si vite, un nouveau-né. 
La mousse séchée la plus tendre, la plus fine. Celle qu'on met dans le maillot d'un tout-petit pour qu'il n'ait pas de gerçures... 
Les longues plaquettes des meilleurs fruits séchés de tout le nord. Vous savez, ces espèces de framboises dorées. Sec, c'est bon, c'est à la fois sucré et sûret, et les enfants en ont besoin, surtout en hiver. Et souvent, les jeunes mères aussi. Alors... 
Des racines d'angélique séchées, aussi, par bouquets, par fagots. Ca a bon goût l'angélique. Tellement bon que les enfants qui en mâchonnent quand il ont les dents qui percent en oublient que ça fait mal, de faire ses dents... 
Des lanières de viande, toutes sortes de viandes, fumées, séchées, salées... Ca viendrait bien à point pour la mère du petit, et peut-être aussi pour les visiteurs. 
Et puis aussi, des jouets. En bois, en os, en corne, en tissu, en fourrure... toutes sortes de jouets, des traîneaux minuscules, des petits rennes sculptés, des ours en tissu tout doux, des toupies qui sifflent, enfin tout ce qu'il faut pour qu'un enfant sourie. 

Et donc, avec ses meilleurs rennes attelés à son plus grand traîneau chargé à ras bord de tous ces cadeaux, notre brave homme de roi s'est mis en route, dans la nuit, dans le froid, dans l'hiver. Il ne lui a pas fallu cheminer longtemps pour sortir de son tout petit royaume. A peine avait-il dépassé ses frontières qu'il a croisé un enfant. Un pauvre môme déguenillé, pieds nus, gris de froid, affamé, qui se traînait sur le bord du chemin. Ca lui a pincé le coeur, à notre roi, de le voir dans cet état. Et comme c'était un brave homme autant qu'un homme brave, il lui a donné une peau de renne pour se tenir chaud, une paire de chaussons de feutre trop grands pour l'enfant qui régnerait sur le monde, quelques provisions de viande séchée, de fruits en plaques, et aussi un jouet pour le bonheur de le voir sourire. 
Ensuite, notre roi a repris son chemin. Ses rennes ont encore marché quelques longues, froides heures sombres de nuit et d'hiver, avec la neige qui leur collait sur le museau et les cils givrés. Jusqu'à ce qu'ils arrivent tout près d'une maisonnette. Une maisonnette froide, oubliée, sans feu, sans lumière. Dedans, deux enfants. Deux petits de quatre ou cinq ans, blottis, grelottants contre des chiens aussi grelottants et maigres qu'eux. Des orphelins. De malheureux enfants dont les parents étaient morts, et qui ne voulaient pas être séparés l'un de l'autre pour être placés dans une famille. 
Il faut dire que, de ce temps-là, dans ce pays-là, la vie était tellement dure et difficile qu'une famille nourrissait d'abord les adultes. Puis ses propres enfants. Puis les chiens, parce qu'on en avait besoin pour chasser et transporter, les chiens. Et en toute fin seulement, les orphelins que le sort avait fait arriver sous son toit. Et quand on demandait aux orphelins s'ils étaient bien dans cette famille, il n'était pas rare qu'ils répondent : "Oh, tout le monde est gentil avec moi. Surtout les chiens !"
Alors, comme notre roi était un brave homme autant qu'un homme brave, il les a emmenés sur son traîneau. Et a trouvé une famille qui voulait bien s'en occuper, sans les affamer plus qu'ils ne le seraient eux-mêmes. Il les a laissés là, aux soins de ces gens, à qui il a donné une brassée de peaux de rennes pour vêtir tout le monde chaudement, et suffisamment de provisions de toutes sortes pour nourrir la famille et les orphelins tout l'hiver. Même assez pour nourrir tous les chiens, ceux de la famille et ceux des orphelins qu'il avait emmenés aussi sur son traîneau, les pauvres bêtes ! 
Et il a repris son chemin après avoir pris un peu de repos, et avoir laissé ses rennes gratter la neige pour y trouver dessous la mousse qui les nourrit en hiver. 
Mais en route, des enfants misérables, des familles malheureuses, des mal chauffés, des mal nourris, des pas aimés, il en a rencontrés tellement, et tous lui ont tellement pincé le coeur qu'il n'a pas pu s'empêcher de se pencher sur eux, de tenter de les aider. Dire qu'il n'avait pas fait la moitié, ni même le quart, même pas le seizième, encore moins le soixante-quatrième du voyage qui aurait dû le mener devant cet enfant qui venait de naître et régnerait sur le monde.. Il n'en avait fait qu'un tout petit bout, et son traîneau était vide ! 
Il a dit à ses rennes "Tant pis, nous ne Le verrons pas !", et il est retourné dans son minuscule royaume, son traîneau vide tiré par des rennes pas trop fatigués, et dans son torse d'homme brave, son  coeur de brave homme qui le faisait soupirer tant le sort des enfants le chagrinait. 
Rentré dans son minuscule royaume, il a recommencé à rassembler les plus beaux cadeaux qu'il pouvait trouver. En sachant que l'an prochain, au milieu de la nuit, au milieu de l'hiver, il repartirait pour les distribuer aux enfants malheureux qu'il croiserait pendant son voyage. 

C'est peut-être parce qu'il n'est jamais arrivé à voir cet enfant qui allait régner sur le monde que personne ne sait qu'il y avait un quatrième roi mage. C'est peut-être pour ça, aussi, que le nord lointain a connu le Christ tellement tard. 
Mais notre roi, il n'a jamais arrêté de faire des cadeaux aux enfants, parce que c'est un brave homme autant qu'un homme brave. Depuis plus de deux mille ans, les uns et les autres lui donnent un coup de main. Mais il est fidèle à sa mission. Et il est immortel ! 
Quel que soit le nom qu'on lui donne, Noël, Martin, Nicolas, Nils, Beffana... ou tout ce qu'on veut. 
Et c'est comme ça que finit l'histoire du quatrième roi mage, celle qui, de trisaïeule en arrière-petite-fille a dégringolé le grand sablier du temps jusqu'à nous aujourd'hui. Puisse son coeur inspirer le vôtre. "
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