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Après les papillons...
26 août 2010

Le village du forgeron (Banlieue ocre. Hors les murs)

Le village a changé. Il y a longtemps que je n'y étais plus revenue, il faut dire. Je l'avais quitté en même temps que ceux du clan du forgeron, qui étaient partis chercher leur bonheur ailleurs. Comme j'aimais beaucoup le forgeron et sa famille, j'avais suivi... 

Longtemps, ailleurs, affairée à d'autres choses. Comme tout le monde. Puis le forgeron est tombé malade. Tout le monde s'est serré autour de sa couche. Avec tous les remèdes, toutes les prières. Tout. Il a bien fallu se rendre à l'évidence : on ne pouvait rien pour lui dans ce monde-ci. On lui tenait la main, on faisait avec lui des projets pour quand il irait mieux. Il avait l'air d'avoir envie d'y croire... Il a fini par mourir, bien sûr.

Alors, son clan s'est dispersé. Pas nécessairement tout le monde en dispute avec tout le monde. Pas croire ! Non, juste que chacun d'entre nous est retourné à sa petite vie, à ses petites affaires. Il m'a tellement manqué, le forgeron, que je ne pouvais plus entendre tinter une enclume sans avoir les larmes aux yeux et le noeud dans la gorge.

C'est aussi pour ça que je ne suis pas revenue très vite au village. J'avais pourtant appris que sa veuve y était revenue, et avait recommencé à tresser des paniers et fumer du lard et des poissons. Mais même si je l'aime beaucoup aussi, elle, je n'ai pas pu, pas su retourner là-bas. 

Et puis, les années sont passées. Je prends de l'âge. Et j'ai été vilainement malade. J'ai eu envie de revoir mon village. Et tant pis pour le chant de l'enclume, qui a repris, sous d'autres mains, à un autre rythme, avec d'autres voix. Il me serre le coeur et puis voilà tout. Faudra que j'apprenne à faire avec... 

Et donc, retour au village. En espérant y retrouver de bonnes vieilles gueules connues. Oh, il en reste, des bonnes vieilles gueules. Mais c'est pas la majorité. Pendant que je n'y venais plus, le chef est mort. Il n'était plus très jeune et ça devait bien finir par arriver un jour. C'est son fils qui le remplace à la tête du village. Un jeune homme bien, ce Claudius. 

Mais jeune. Et sensible aux modes nouvelles, on dirait. Les poules et les cochons qui se promenaient partout, avant, on ne les voit plus. Ces pauvres bêtes ont été bien rangées dans des enclos à l'écart. Fini le temps joli où on se faisait fienter sur la tête par une des poules perchées dans la poutraille de la taberna ! 

L'îlot des morts n'est plus sacré, un nouveau bac permet d'y aller sans effort et sans péril. Le temple du fond du village s'est agrandi. Il y a une villa nouvelle, et un jardin de simples. Bien rangés, eux aussi. En clair, tout se romanise. C'est pour ça que je ne me sens plus autant chez moi. La mode latine s'impose de plus en plus. Partout. 

Et bien sûr, ça ne me plaît pas ! Ces "ingénieux" Romains, qui n'ont jamais rien inventé se vantent de nous apporter la civilisation et une langue "convenable". Les cons ! Leur latin, langue sèche et précise expose d'une manière ridiculement carrée ce qu'ils estiment important ! Combien de façons ont-ils de dire "tuer", je ne le sais plus, mais ça en dit long sur leur civilité ! Par contre, pour évoquer l'émotion, les brumes du matin quand le divin s'y enroule, les moments de novembre où les morts nous parlent, ce qu'ils ont à en dire est affligeant de maladresse et de pauvreté. Dire qu'ils se moquent de nous et prétendent que nous ne savons que dire "bra-bra-bra" ! 

Et leur civilisation, parlons-en ! Ils n'ont de progrès technique que ce qu'ils sont allés repiquer ailleurs. La production leur importe peu puisque chez eux, ce sont des esclaves qui en sont chargés. Ils nous doivent beaucoup ! Et, évidemment, l'oublient ! 

Ca me consterne. Je vois venir un temps où Rome sera partout, sous l'une ou l'autre forme. Politique... ou religieuse. J'en viendrais à souhaiter que ces Germains contre qui nous les avions appelés reviennent en force mettre un peu de désordre dans tout ça. Après tout, ce sont nos cousins, les Germains ! 

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Commentaires
L
Tu écris merveilleusement bien avec le coeur, les tripes et oui ça me parle,ça chante aussi c'est plein de couleurs,l'arc-en-ciel des sentiments intenses, la vie .
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Après les papillons...
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