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Après les papillons...
21 août 2010

Ce chien ! (Banlieue ocre)

Ma vie est bonne, j’aurais tort de m’en plaindre : mon mari, même s’il grogne beaucoup, est un homme bon ; mes enfants sont en belle et bonne santé. Mon ménage est prospère, nous vivons dans une bonne maison, tout à côté de l’atelier du bronzier. Il me semble que le culte que je voue à Epona y est pour quelque chose. C’est la déesse que nous vénérons dans ma famille à moi. Il faut dire que mes parents étaient éleveurs de chevaux. Des bêtes saines, intelligentes et si calmes qu’on peut les confier à des enfants. Mon plus jeune frère a repris l’élevage. La vie, quoi…

 

Il y a près de chez nous toute une troupe de chiens de rue, faméliques, hurleurs, bagarreurs. Ce n’est pas rare que je leur jette quelques déchets de cuisine. En cachette de mon mari, bien sûr, qui grognerait à cause du gaspillage…

 

L’un d’entre eux, particulièrement minable, tourne plus que les autres autour de la maison. Il est affreux ! Une bagarre perdue lui a coûté une oreille, la ruade d’une jument en chaleur lui a brisé le bassin. Et un char, en lui roulant dessus, lui a cassé une patte. Il est laid, son pelage rare est d’une couleur incertaine, il boite bas et m’a tout l’air d’être borgne. Comme il est moins fort que les autres, il n’arrive pas à se nourrir beaucoup, ni souvent. A force de le voir se faire rosser, je l’ai pris en pitié. C’est lui qui reçoit en premier ce qui tombe de notre table. Et c’est mon fils qui le lui apporte.

 

Ah, mon fils ! Ce beau gros gamin aux yeux noisette ! Il doit partir bientôt, pour aller chez les cousins de mon mari, achever son éducation. Je profite autant que je peux du dernier lambeau d’enfance qu’il passe ici. Quand il reviendra, ça sera un homme et je ne le reconnaîtrai plus !

 

Il a fait lourd toute la journée aujourd’hui. La coulée chez le bronzier d’à côté n’a pas vraiment arrangé ça. Mon mari est de mauvais poil. Il hurle après tout ce qui bouge. Ca lui arrive souvent ces derniers temps. Je pense que ses vieilles blessures le font souffrir. Un peu comme le chien, là, dehors. Sauf que le chien, il se terre dans un coin. Mon mari, lui, montre les dents, gronde et aboie !

 

En plus, les enfants sont insupportables. Le gamin n’arrête pas d’inventer mille bêtises nouvelles. La petite pleurniche à tout bout de champ. Je suis excédée ! Vivement demain !

 

Le vent se lève. Il était temps. Ca rafraîchit la maison. On pourra peut-être enfin se reposer un peu, dormir. Sauf que ce chien n’arrête pas de japper, de couiner, de pleurnicher, là dehors, tout près de la maison…

 

Et voilà ! Meeerde ! Mon mari se réveille en jurant. En se retournant pour se rendormir, il grommelle toute une longue tirade. Si j’entends bien, il y est question de « foutu cabot » de « besoin de peau », de « nouveaux gants » et enfin de « peut-être utile » et « dormir en paix ». Bon, il est rendormi. Je vais pouvoir en faire autant. Vite, m’endormir avant qu’il se mette à ronfler…

 

Un instant ! Il y a quelque chose qui ne va pas, vraiment. Ce chien hurle de plus belle, de plus en plus fort, de plus en plus aigu…

 

Ca y est ! Je sens ! La fumée ! Il y a le feu !

 

Vite, réveiller le mari, récupérer les gosses, sortir la génisse et les deux moutons ! C’est le chaume du toit. Il est en train de brûler, ça commence à crépiter.

 

Heureusement, les voisins éveillés par le bruit nous aident du mieux qu’ils peuvent. En s’y mettant tous ensemble, avec tous les récipients disponibles, on devrait arriver à limiter les dégâts.

 

Ouf ! Tout le monde est sauf ! On n’a pas perdu grand-chose en fin de compte. Une toiture à refaire… Ce n’est pas bien grave. Mes frères et les cousins nous donneront un coup de main. Et comme ce n’est pas la bonne saison pour avoir du chaume, on se débrouillera avec les roseaux du marais.

 

La toiture est refaite. Mon fils, ce beau garçon qui m’a coûté tant d’efforts, partira à la prochaine lune noire. Ma fille commence à avoir le coup de main pour égoutter le caillé et filer la laine. Elle grandit bien, et à défaut d’être toujours sage, elle sera belle, dirait-on !  Mon mari ronchonne. Ca, il le fera toujours ! C’est plutôt rassurant !

 

Ce chien vit désormais dans la maison. Personne n’y trouve à redire : il l’a bien mérité ! Et le druide à qui j’en ai parlé a même dit que de le garder dans la maison, c’était un gage de bonheur.

 

Mais, comme il aime encore sortir et vagabonder, je lui ai fait un collier. Mon voisin a  dessiné et coulé tout exprès un grelot et deux plaques de bronze brillant, pour que le collier soit beau. Mon mari m’a un peu grondée pour la dépense, mais, au fond, il est content… 

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